Rencontre de deux camarades de chambres givrés [PV Silister] [finit]

A dire vrai, j'avais eu un mal fou à trouver cette chambre. On m'avait assigné à la chambre numéro 2, et on m'avait indiqué le second étage... J'avais cherché les escaliers pendant un moment jusqu'à-ce qu'un autre élève compatissant ne m'y guide, puis les avaient montés marche après marche, la main posée sur le mur pour ne pas risquer de tomber, et le pied avançant à tâtons parfois pour ne pas rater de marche. Une fois au deuxième étage, il avait fallu trouver la chambre deux... Pour cela, j'avais cherché sur les portes une indication, un numéro... Et cela, toujours sans rien y voir. Ce n'était pas comme si je n'avais pas l'habitude, mais c'était la première fois que j'évoluais seul dans un bâtiment. Avant, lors de nos escales, Vala avait toujours été la pour me guider... Et depuis sa mort, je ne m'était jamais arrêté dans un village ou un bâtiment.

Par chance, les numéros des chambres étaient gravé dans le bois des portes, et mes doigts surent reconnaître le numéro deux... Quand j'étais enfant, avant de me faire capturer, j'avais appris sommairement les chiffres et les lettres. Et même si jamais plus je ne pourrais lire, je me rendit compte en cherchant cette porte que les chiffres étaient une notion qui, même aveugle, pouvait encore me servir. J'en fut soulagé. Au moins, j'étais encore capable de repérer un numéro au touché... Même si j'avais du passer les doigts bien une vingtaine de seconde par chiffre pour lui donner un nom. Une fois la porte de la chambre deux trouvée, je la poussai.

Je n'avais pas vraiment d'affaires avec moi. En réalité, j'avais passés les six derniers mois à voyager, et je craignait trop de tomber sur des bandits pour transporter avec moi quoi que ce soit qui puisse avoir de l'intérêt... même des bagages. Je me contentais de m'arrêter a une rivière pour me laver, ainsi que mes vêtements, de temps en temps, et je mangeais souvent des racines que j'identifiais à l'odeur et que nous avions appris à reconnaître comme comestible avec Vala... Je n'avais donc pas vraiment besoin d'installer mes affaires, si ce n'était la tenue de rechange qui m'avait été gracieusement offerte par le personnel de l'endroit en apprenant que je ne possédait rien.

On m'avait aussi dit que je ne serais pas tout seul dans cette chambre. Apparemment, il y avait un autre élève qui occuperait l'endroit avec moi. Je ne savais pas s'il était déjà installé ou pas, ni quel place il occupait... J'effectuai donc un rapide repérage de l'emplacement des lits et du reste du mobilier avant de m'asseoir à côté de la porte en attendant mon colocataire. Je fit ainsi plusieurs fois le tour de la chambre, pour repérer précisément l'emplacement de chaque chose.

En faite, j'étais encore un peu abasourdit. Depuis mes huit ans, c'était la première fois que j'étais logé décemment, et ça me faisait un effet bizarre... Je n'avais plus l'impression d'être dans mon élément dans ce genre d'endroit... Il faudrait que je m'y fasse, de toute façon je n'avais nul part ou aller... Alors j’attendis simplement mon camarade de chambre en tournant et retournant les évènements de la journée dans mon esprit, comme pour bien assimiler que je passais de l'état de "vagabond" à celui d' "élève" en moins de 24 heures.

J'étais assis depuis quelques minutes à peine que j'entendais déjà des bruits de pas dans le couloir. Quelqu'un le parcourrait en long, en large et en travers, visiblement à la recherche de quelque chose... Je ne savais pas quoi, mais mon premier réflex fut d'essayer de me faire le plus petit possible. Certainement un résidu de la crainte qui m'habitait depuis mes huit ans... Pour moi, les bruits dans les couloirs n'avaient jamais étés bon signe.

Puis l'on poussa la porte de ma chambre. Une personne entra, seule. Je le devinai au son que produisait ses pas sur le sol. Il passa à côté de moi sans s'arrêter, et je ne put m'empêcher de pousser un soupire soulagé mais discret. Puis je me souvint que je n'avais rien à craindre ici, et me sentit un peu idiot... Je secouai un peu la tête pour me reprendre.

Les sons qui me parvinrent ensuite furent des bruits de frottement, et celui de quelqu'un qui s’asseyait sur un matelas. Mon camarade de chambre avait choisit son lit... Lentement, je me releva et m'assit sur le lit qui se trouvait à côté de moi. Ce serait plus pratique pour moi d'être près de la porte de toute façon, et si lui préférait en être loin... Tout le monde était content.

-Silister Okaeliath. Et nous sommes colocataires, je suppose.
-Il semblerait... Je m'appel Aodh.

Réponse succincte certes, mais je n'avais rien de plus à dire. Je retirai mes bottes à mon tour en appuyant sur les talons de la pointe de mes pieds, puis m'assit en tailleur sur mon lit, puisqu'il semblait que je pouvais le choisir sans que l'on ne me dise d'en prendre un autre... Puis je retirai le manteau de Vala, me retrouvant ainsi avec un simple tee-shirt sans manches assez ample et un pantalon ample lui-aussi, puis le posait sur mes genoux. En faite, j'avais besoin de repos... Mais j'avais encore trop de choses à assimiler pour pouvoir me reposer en cet instant. Alors je m’adossa au mur au bout de mon lit, y sentant au passage un oreiller. Ce devait être le haut du lit. En faite, tout m'étonnait ici. Des lits, avec des couvertures et des oreillers... J'étais passé des cachots aux tas de foins, et me voila maintenant dans un vrai lit... Ça avait quelque chose d'assez extraordinaire.

-Aurez-vous besoin d'aide par rapport à votre cécité ?
-Ça devrait aller, j'ai l'habitude... Il me faut juste un peu de temps pour m'habituer à cet endroit. Merci quand-même...

En effet, il allait me falloir du temps pour m'y retrouver ici... Heureusement pour moi, je n'avais pas un trop mauvais sens de l'orientation. Mais j'allais certainement me perdre quelques fois avant de me repérer efficacement... Mais normalement, je devrais me débrouiller tout seul. La seule personne à m'avoir apporté une aide vraiment efficace avait été Vala. De n'importe qui d'autre, je suis certain qu'une aide n'aurait été qu'un maigre substitut, et cela ne m'aurais qu'attristé d'avantage... Et il m'était déjà assez dure de ne plus penser à Elle.

Je détendit mes jambes devant moi, en pliant simplement une pour me mettre à l'aise. A l'aise... Enfin, autant que faire se peut. Et au vu de mon état d'esprit, ce confort n'était que matériel. Mes mains se crispèrent légèrement sur le tissu du manteau, mais en dehors de cela je restait de marbre. En faite, je n'avais aucune idée de ce que j'allais faire à présent. Ce qui est sur, c'est que je n'allais pas moi-même engager la conversation. Trop timide... et surtout trop plongé dans mes pensées. Il faudrait tout de même que j'en sortes un jour.

Silister s'agitait dans la pièce, ouvrait des placards, peut-être qu'il rangeait des affaires ou qu'il en sortait... Moi, je devrais peut-être me reposer. Mais je ne pouvais pas dormir dans un lit aussi bien fait et propre à peine revenu de voyage et encore couvert de poussière... Alors je me releva, prenant sur le lit le pantalon et le tee-shirt de rechange que l'on m'avait fournit, et alla regarder dans le placard le plus proche de mon lit ou l'on m'avait dit que je trouverais des affaires de toilettes. J'en sortit une serviette et du savon, me disant que ça allait vraiment me faire bizarre de vivre ici désormais... Le confort d'une douche quotidienne, et même d'un moyen de me sécher, allait me changer énormément de ma vie de vagabond.

-Je vais me doucher.

On m'avait aussi dit que les douches étaient dans le couloir des chambres. Je me dis donc que ça doit être la seule porte ou il n'y ai pas de chiffre gravé, mais plutôt une inscription tel que "douches" ou "sanitaires"... Donc quand je croiserais une porte avec une longue inscription ça devrait être la bonne... Je sortit donc de la chambre.

La douche me fit du bien. Lorsque je revint à la chambre, les cheveux encore trempés et mon bandeau, mouillé lui aussi puisque j'en avais profité pour le laver, ainsi que ma serviette à la main, mes yeux étant exceptionnellement découverts. Vala m'avait dit qu'on en voyait encore la couleur, comme autrefois, malgré qu'ils soient inutilisables... Je ne savais pas trop comment ça fonctionnait ici pour laver les vêtements, j'avais donc les miens, sales, sur l'autre bras, et je les posais négligemment au fond de mon placard en attendant.

Je n'avais pas passé trop de temps sous la douche, étant tout de même bien fatigué je voulais me reposer rapidement... Une dizaine de minutes tout au plus. Je déposa mon bandeau en travers d'un cintre ainsi que la serviette, puis retourna m'asseoir sur le lit, toujours un peu à tâtons.

-Tu saurais... comment ça marche, pour les vêtements sales..?

Je me sentait un peu idiot à demander ça. Mais il fallait bien que je sache s'il fallait je lave mes vêtements ou si ça marchait autrement... Ça ne m'aurais pas dérangé de le faire, après tout je fonctionnait ainsi depuis deux ans, avec Vala puis sans elle... Mais je ne voulais pas faire de bourdes, et je ne pense pas que le personnel de l'endroit apprécie de laver un plancher trempé a cause des vêtements qui auraient égouttés dessus... Et on m'avait dit que les chambres étaient rangés par le personnel régulièrement. Remarque, ça incluait peut-être le lavage des vêtements... Mais dans le doute, je demandais donc à mon camarade de chambre.

Puis je me réinstalla confortablement sur le lit, mais propre cette fois. Ça faisait du bien, je me sentais moins lourd... Le manteau de Vala était toujours sur le lit, et je le récupéra pour le poser a nouveau sur mes genoux. Dans la poche, il y avait toujours la mèche de ses cheveux. Et même si je ne l'avais pas collé à mon visage, j'avais toujours l'impression qu'il portait Son odeur malgré les six mois que je le possédait...

-Non. Pas encore.

Visiblement, mon colocataire était aussi peu informé que moi... Tant pis, je n'auras qu'à poser la question à quelqu'un d'autre. Une légère brise m'informa que la fenêtre était ouverte. Ça ne me gênait pas, au contraire un peu d'air frais ne pourrais que me faire du bien. Mais je ne voulais pas aller à la fenêtre, je préférais rester tranquille pour l'instant. J'avais envie de me poser un peu, de cesser pour de bon cet interminable voyage pour prendre du repos. Je ne savais pas si j'allais rester la aussi longtemps que l'on l'attendait de moi, j'étais venu ici sous la demande de cet être étrange qui était apparu peu après la mort de Vala. Avec ce que l'on m'avais révélé une fois arrivé, je pouvais penser qu'il s'agissait d'un dragon, comme moi...

-J'ai envie de voler un peu...

Peut-être étais-ce justement cela le plus surprenant pour moi. Il y avait eu un dragon non loin de moi, d'après ce que je venais d'entendre mon camarade de chambre en était un lui-aussi, j'en était un moi-même, et je ne l'avais jamais su... Même lorsque j'avais détruit la forteresse, je ne m'était pas aperçu que j'étais un de ces êtres de légende. Je m'était juste rendu compte d'un changement, mais dans la confusion je l'avais oublié. Ce jour-la, Vala m'avais parlé d'un monstre immense aux écailles d'un blanc éclatant... Peut-être étais-ce moi, sous cet autre forme que je ne connaissais pas.

-Pourquoi tu n'y vas pas alors ?

S'il était élève ici, ce devait être un des humains qui avaient contournés la malédiction pour redevenir ce que nous étions à l'origine : des dragons. n'est-ce pas ? Il devait donc avoir une forme reptilienne. S'il voulais s'envoler, je ne voyais pas ce qui pouvait l'en empêcher. D’où ma question. Moi aussi, j'avais parlé d'un ton neutre. Après tout, il faisait ce qu'il voulait, il était libre... Et j'étais bien placé pour dire que c'était une chose dont il fallait savoir profiter.

Mais dans l'immédiat, j'étais fatigué. Alors je m'allongea. Distraitement, ma main se posa sur mon épaule, la ou le supposé dragon avait posé sa patte. Mes doigts rencontrèrent une des nombreuses cicatrices que je portais, mais je n'y fit pas attention. Si je m'attardais sur la moindre de mes cicatrices, j'en aurais pour des mois... Au lieux de ça, je récupérai ma main et serrait le manteau de Vala, un peu à la manière d'un oreiller. Ainsi, j'avais l'impression de mieux sentir son odeur, qu'elle était plus proche de moi. Maigre substitut à sa présence véritable, mais je n'avais rien d'autre... Plus qu'un manteau, une mèche de cheveux et des souvenirs.

Puis je reporta mon attention sur Silister et sa possible réponse, ou alors son départ, c'était à voir s'il était du genre bavard ou pas...

(htp : Pas de souci je comprend, de toute façon la Aodh il va dormir, et au lendemain les cours. Il est crevé le pauvre.)

-Cette malédiction... a bloqué mes pouvoirs... Étant donné qu'elle ne me frappe pas depuis la naissance, je suppose qu'ils reviendront vite mais... je risque de me briser les os si je m'élance de trop haut sans pouvoir déployer mes ailes.
-Je vois...

Apparemment, il avait des soucis avec ses pouvoirs... Parce-qu'il n'était pas maudit de naissance ? Pourtant, d'après ce qu'il avait compris, la malédiction avait été lancée des centaines d'années avant maintenant. Silister, malgré une voix qui me laissait penser qu'il était plus jeune que moi, devait avoir un certain âge tout de même... Cependant, dans ces conditions, il était compréhensible qu'il n'essaye pas de s'envoler.

Une interrogation me vint soudain en tête. Si moi-même arrivait un jour à acquérir ma forme reptilienne volontairement, serais-je capable de me repérer en vol sans aucun point de repaire ? Ça n'allait pas être évident... Je présageait même que cela allait être catastrophique. Enfin, on verrais en temps voulu.

-Enchanté d'avoir fait ta connaissance.
-De même...

Silister sortit de la pièce, m'y laissant seul en toute liberté pour enfin me reposer. J'avais beaucoup marché ces deriers temps, et j'avais vraiment besoin de repos... Je serra le manteau de Vala contre moi presque comme si à travers ce vêtement c'était elle que je cherchait à atteindre, prenant une grande inspiration pour m'emplir de son odeur. Comme tu me manques... Mes mains se crispèrent un peu sur le tissu, et il s'en fallut de peu pour que mes yeux ne s'humidifient a nouveau. Il fallait que je cesse de la pleurer, mais je n'y arrivait pas... Avec elle, c'était une grosse partie de moi qui était morte. Et comme chaque soir, mon esprit la voyait tel que je la voyais lorsque mes yeux en étaient encore capables, sale et aussi faible que nous mais d'une force mental qu'aucun de nous ne pouvait espérer posséder.

Chacun avait ses soucis dans la vie. Mon colocataire avait perdu ses pouvoirs, moi j'avais perdu un être cher. Et si j'avais conscience de n'avoir pas eu la vie facile, loin de la, je n'étais pas le seul. A commencer par tous les enfants qui avaient étés avec moi dans ces cachots, ceux qui y étaient morts sans jamais avoir connu la liberté... Ou que sais-de encore ? Finalement, la fatigue que le chagrin chassait quelque peu s’abattit sur moi tel un coup de marteau et je m'endormit, roulé en boule sur mon lit. Le fait que j'étais censé assister à des cours ne me traversa même pas l'esprit.